venerdì 1 febbraio 2013

Rétribuer les lecteurs qui lisent les livres !



Kevin Kelly est toujours un stimulant iconoclaste. Combien de livres achetés ne sont finalement pas lus ? Certainement beaucoup plus qu'on ne le pense. D'où l'idée de proposer de rétribuer les lecteurs qui ont lu un livre du début à la fin. Cette idée, il pensait la breveter... Mais comme les idées ne font pas nécessairement projet, il a décidé de publier son idée et de la libérer. Pourquoi, parce qu’en tant qu'auteur et éditeur et lecteur, il voudrait que cette option demain lui soit proposée.

Imaginons explique-t-il que chaque lecteur qui achète un livre, 5 $, se voit rembourser 6 $ s'il le termine. Les logiciels de lecture savent désormais nous dire qui termine et ne termine pas un livre. On sait même qu'un tiers des lecteurs ne dépassent pas la 50e page d'un livre. On pourrait utiliser ces logiciels de lecture (qui espionnent déjà nos habitudes de lectures, sans contrepartie) pour analyser le comportement de lecture et vérifier si un acheteur a vraiment lu le livre. Si les comportements de lecture (vitesse de lecture, progression régulière dans le temps...) sont corrects, alors le dispositif pourrait initier un remboursement prédéterminé à l'acheteur. L'idée de Kelly est même de proposer une somme légèrement supérieure au lecteur, pour que sa lecture lui rapporte même un peu d'argent.
Cette incitation pourrait bien sûr encourager les ventes d'un titre en diluant l'idée que l'achat d'un livre finalement ne coûte rien, puisque si on le termine, on sera plus que remboursé. L'éditeur, lui, verrait ses ventes augmentées alors que le remboursement ne se ferait que sur la proportion de lecteurs terminant le livre, restant elle, relativement stable. Pour Kelly, le système serait gagnant/gagnant. Si l'acheteur achète le livre et ne le lit pas en entier, il dispose toujours du livre et en a payé un prix acceptable. Si l'acheteur a fini le livre, il le possède toujours et a gagné de l'argent pour cela. L'éditeur ne perd qu'une petite quantité de vente, compensée par l'augmentation des ventes générales. Le ratio de redistribution peut-être ajusté en fonction du prix de l'ebook ou du genre. "Ce mécanisme ne nécessite aucun matériel nouveau qui n'existerait pas déjà aujourd'hui", estime Kevin Kelly. Au mieux, un meilleur matériel (comme une technologie de tracking du regard) permettrait de mieux mesurer si la personne a bien lu le livre... Mais elle n'est pas une condition indispensable.
Bien sûr, cette argutie marketing ne fera pas globalement que les gens liront plus de livres du début à la fin. Bien sûr, le jour où ce modèle se mettrait en place, des programmes de robots lecteurs tournant les pages de nos liseuses et tablettes pour nous pourraient se développer. Mais on peut imaginer d'autres compléments. Des captchas, des quizz... bref, des systèmes pour vérifier que le lecteur est bien humain. Peut-être faut-il se limiter à rembourser le livre lu et ne pas payer en plus afin de limiter le détournement du système, suggère un commentateur. En commentaire, Nicholas Carr se moque même de Kelly : "suggérez-vous qu'il faudrait désormais payer pour maintenir le statu quo de la culture livresque ?" Un autre commentateur reste circonspect. Pour lui, ce mécanisme qui récompense l'échec (des livres non lus rapportent plus que des livres lus) et punit le succès pour l'auteur et l'éditeur n'est pas une bonne chose à terme. Cela donne même une prime aux mauvais livres et aux mauvais auteurs sur les meilleurs, car beaucoup comme lui voient d'abord ce que l'éditeur doit rembourser avant de voir l'augmentation potentielle des gains.
En même temps, si le système était généralisé, n'en reviendrions-nous pas au statu quo actuel ? La gratuité - ou son accessibilité à très faible coût, comme le propose l'idée d'un Spotify du livre - de la culture est-elle un critère de stimulation suffisant ?
L'innovation marketing autour du livre est souvent assez rare. OnlyIndie s'était lancé en juin 2012 autour d'un concept plutôt rafraichissant, expliquait Actualitté (voir également les explications de Digitalbookworld"Sur le site, tous les livres sont vendus à 0 $, le temps des quinze premiers téléchargements de chaque titre. Le prix de chaque livre est augmenté d'un penny (0,007 euro) autant de fois qu'il est acheté, avec un plafond de 7,98 $. Si un livre n'est pas acheté une seule fois pendant 24 heures, son prix commence à baisser de telle sorte qu'il revienne à 0 $ au bout de 100 jours sans achat. Les auteurs perçoivent 50 % du prix de vente entre 0,01 $ et 1,99 $ et 75 % si le prix est situé entre 2 $ et 7,98 $. Ils peuvent également fixer une autre limite de prix de leur oeuvre, tant qu'elle reste inférieure au plafond maximal prévu." Reste qu'OnlyIndie a depuis fermé. Pas si simple de s'imposer dans un monde de plateformes marchandes devenues mondiales.
Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'il ne faudra certainement pas attendre très longtemps pour qu'un éditeur ou une plateforme tente l'expérience proposée par Kelly. Pas sûr qu'elle se termine mieux que celle d'OnlyIndie... Sauf peut-être si elle devient la politique d'innovation d'un des géants de la librairie électronique pour distancer la concurrence. Finalement, s'il y en a qui savent si cette politique pourrait être rentable, c'est bien eux, les Amazon, Google et Apple, puisqu'ils savent déjà ce que nous lisons et ne lisons pas dans nos livres.
MAJ du 23/01/2013 : ActuaLitté évoque Total Boox, une nouvelle plateforme qui propose aux internautes de lire d'abord et de payer ensuite et qui envisage même un abonnement pour un usage illimité des livres de la plateforme...

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